« Et si Jean-Marc Jancovici se mettait au stand-up ? » On a adoré le thème du concours de nouvelles Bonne Vie 2025, et plus encore faire partie du jury – aux côtés d’humoristes (Swann Périssé, Greenwashing Comedy Club, Un Café Décroissant), de l’autrice Anaïs Richardin et d’Hélène Binet de Makesense – pour découvrir les 10 textes lauréats. Et le verdict est tombé : c’est le texte de David Grimbert, ni écrivain ou standuper au départ, qui nous a fait le plus marrer. À lire debout, sur scène.
« Jean-Marc Jancovici craque et décide de tout plaquer pour se lancer dans le stand-up ! Il vous recrute en tant que ghostwriter pour écrire son premier spectacle. Ecrivez un des sketchs de son spectacle. » Voici le pitch – efficace et tout à fait excitant – du concours de nouvelles de Bonne Vie, dont les résultats tombent aujourd’hui.
Ce collectif derrière Le Moulin Inattendu, un tiers-lieu engagé près de Paris, avait déjà commis un premier challenge littéraire l’an dernier, invitant à imaginer un courrier qui serait envoyé aux membres d’une civilisation extraterrestre s’apprêtant à venir sur Terre. Condition implicite, comme ici, glisser quelques infos sur l’état écologique de notre monde.
Passés cette année au crible d’un jury on ne peut plus exigeant – composé des humoristes Swann Périssé, Anne Dupin (Greenwashing Comedy Club), Matthieu Brilard (Un Café Décroissant), l’autrice et podcasteuse Anaïs Richardin, Hélène Binet (Make Sense) et votre serviteur pour Pioche! – les 10 textes retenus ont conduit à un verdict sans appel : c’est le sketch David Grimbert qui remporte le Prix Bonne Vie.
Cet amoureux du verbe, ni écrivain ou standuper au départ, remporte une semaine de retraite d’écriture, en pension complète, un petit portrait A4 de Jean-Marc Jancovici (le must !), la publication dans nos colonnes, et l’opportunité de tester son sketch à l’Académie du Climat avec le Greenwashing Comedy Club. Bravo à lui ! On vous laisse découvrir son texte lauréat ci-dessous.
(Entrée sur scène, énergique)
Bonsoir !
Moi c’est Janco.
Janco-VENI, Janco-VIDI, Janco-(micropause) VICIIIIIII !
Est ce que vous êtes chauds ?!
(Public répond)
La vache avec ce niveau d’ambiance on va tenir les accords de Paris à +1.5°C sans effort.
J’ai dit est ce que vous êtes chauuuuuds ?!
(Public répond)
Ah voilà, là c’est digne de ce qu’on est en train de faire subir à la planète.
Je vais dire un truc et vous allez crier Ouragan ! OK ? On y va : Pour la planète hip hip hip ?
(Public répond)
Waaa c’est fou ce que vous êtes cyniques !
Vous me faites penser au labo pharma américain Eli Lilly. Vous connaissez ? C’est celui qui produit le Prozac.
Ils ont proposé de me faire un très très gros chèque pour que je continue à promouvoir les enjeux environnementaux. Conscience écologique ? Tu parles : une audience sensibilisée est une audience déprimée !
Par applaudissements, il y en a parmi vous qui sont déprimés ce soir ?
(Public répond)
Ah oui quand même… Je vais de ce pas racheter quelques actions Eli Lilly.
Pardon j’ai pas expliqué, je viens de vous faire un « Par applaudissements ». C’est un peu le IPSOS moderne : tu te poses une question et t’as ta réponse en direct.
C’est une méthode statistique ultra-fiable que CNews utilise régulièrement pour déboulonner les rapports du GIEC :
« Alors l’audimat, par applaudissements qui est d’accord pour dire que c’est pas nous qu’on l’a réchauffée la planète ? »
Je ne m’attarde pas c’est vraiment-trop-o(b)scène… (anthropocène).
En vrai le par applaudissements c’est surtout un truc de stand-up. En stand-up il y a trois règles d’or :
La première règle Mesdames et Messieurs c’est la vitesse d’élocution. Parler vite, très vite, bombarder son public de vannes sans interruption :
(en changeant d’intonation) :
« Que dit un proton face au réchauffement climatique? il faut rester positif ! »
« Dans quelle région de France trouve-t-on le plus de centrales nucléaires ? En Savoie… parce qu’on y produit de la tome (l’atome) »
De cette manière, même si on fait un bide on s’en fout, on poursuit, on passe à autre chose. En somme, en stand up tu produis un max de trucs dont l’écrasante majorité finira à la poubelle…
Comme quoi on peut être intermittent du spectacle et capitaliste à la fois.
La seconde règle Mesdames et Messieurs c’est l’E-NER-GIE.
Ça tombe bien ça l’énergie j’en connais un rayon (blague subtile : rayon – énergie… jamais bon signe quand on doit expliquer ses blagues).
Donner de l’énergie, mettre le feu ! Enfin non pas mettre le feu (bouh la combustion !) il faut électriser son public (wééé l’électrique !).
Allez tous ensemble (Il fait répéter le public après lui) :
« Bouh la combustion ! »
« Wééé l’électrique ! »
Électriser son public donc, lui mettre les 2 doigts dans la prise et allumer le courant.
Tchak !
Donc, si je vous dis : « faites un maximum de bruit pour moi Paris ce soir » vous faites…?
(Public répond)
La troisième et dernière règle Mesdames et Messieurs c’est l’authenticité. À chacun son style. Il faut donc que je trouve le mien. Si vous le voulez bien, on va en tester quelques uns ensemble :
Spontanément je partirai sur l’humour de physicien. Ou pire encore le combo physicien ET polytechnicien. Attention accrochez-vous ça va devenir technique :
(D’un ton docte) :
Moi Janco, que je note X en tant que polytechnicien, essaye d’exercer sur vous une influence D comme dé-carbonation ou dé-croissance. (X → D)
Soit en dérivant cette équation : quand je m’X’ (m’exprime), je vous :
(Public répond)
Et hop, mes actions Eli Lilly viennent de prendre 10 %.
Autre style d’humour qui pourrait me correspondre : la gênance ! Globalement parler d’un sujet trash ou tabou pour vous crisper et entendre vos petits rires nerveux (rire sadique)
Vous voulez qu’on essaye ?
OK. Par applaudissement : qui a pris l’avion cette année dans la salle ?
(Public répond)
Ah ça jette un froid là.
D’habitude pour gêner les gens il suffit de parler de cul. Moi je rêve du jour où les français auront plus honte d’aller sur Opodo que sur un site porno !
Malheureusement on en est loin. Il y a encore des personnes en 2024 qui nient le réchauffement climatique.
Par exemple Robert (est-ce que j’ai choisi ce prénom au hasard ? peut-être.), il est climato-sceptique mais du genre bien profond. Niveau climato-fosse-septique.
Robert il a un argument imparable pour réfuter le réchauffement climatique :
« Le réchauffement climatique n’existe pas, la preuve tu as vu comme il fait froid aujourd’hui ? »
Hé ho Robert, tu confonds météo et climat Robert ! Je vais prendre une image qui va te parler Robert : la météo c’est quand c’est caliente dans le lit conjugal le 31 décembre. Le climat… bah c’est le reste de l’année le climat Robert… IL NE FAIT PAS CHAUD DANS LE LIT CONJUGAL LE RESTE DE L’ANNÉE ROBERT !
D’ailleurs, Robert, en passant, petite astuce pour augmenter la qualité et la durée de tes rapports : … lis ceux du GIEC ! 3 949 pages, ça c’est du plaisir qui dure !
La vérité c’est que la recherche du GIEC c’est un peu comme la Recherche de Proust : tout le monde en parle mais personne ne l’a vraiment lue.
Tiens on va tout de suite voir si vous me faites mentir ce soir : petit quizz sur les rapports du GIEC :
D’après le GIEC, c’est aux États-Unis ou à la Chine de baisser ses émissions en premier ?
(Public répond)
Perdu. C’est aux deux (Co2).
Quelles sont les émissions qui participent le plus au réchauffement climatique ?
(Public répond)
Et non !… Ce sont les émissions de TPMP : avec le nombre de conneries qu’ils débitent à la minute sur le climat ça devrait plutôt s’appeler « Tu Pollues Mon Pote ».
Je me rends compte que j’ai oublié une règle : il paraît qu’en stand-up il faut vraiment travailler sa première vanne et sa dernière car ce sont les deux seules que l’on retient…
Et bien… euh… bonne soirée…
(à voix basse, presque en chuchotant)
Par applaudissements : il y avait des personnes qui s’appellent Robert parmi vous ce soir ?
C’est tout pour moi. C’était Janco !