La nouvelle a réjoui bon nombre de Bretons, et même au-delà : 2021 marque le retour des Trans Musicales. Pour l’occasion, le festival rennais prépare une 43e édition où, comme à son habitude, les surprises et autres découvertes fourmillent. Profitant de cette année de « reprise », la manifestation souhaite également passer à la vitesse supérieure en matière de développement durable. Un engagement initié en 2005 qui, cette année, prend un nouveau tournant, comme nous l’explique Xavier Paillat, responsable développement durable et solidaire des Trans.
Le premier week-end de décembre, Rennes dansera de nouveau au rythme des découvertes sonores qui font le charme des Trans Musicales. Depuis plus de 40 ans, le festival breton défriche le paysage musical en France et à l’international et propose une programmation audacieuse et pleine de surprises. Du Théâtre national de Bretagne au Parc Expo, en passant par l’Ubu ou l’Aire Libre, c’est toute la métropole bretonne qui vit, chaque premier week-end de décembre, au rythme de l’événement porté par Jean-Louis Brossard et son équipe.
Cette année encore, les Trans Musicales renouvellent leur engagement en faveur du développement durable et solidaire. Le festival travaille, année après année, à rendre l’événement plus vert ou, tout du moins, plus en phase avec l’urgence environnementale. Des formations avec The Shift Project aux projets menés au sein du Collectif des Festivals, cette structure bretonne qui aide les festivals de la région dans leurs actions en faveur du développement durable, l’équipe des Trans développe ses compétences pour corriger certaines carences inhérentes à un événement éphémère qui accueille plus de 55 000 personnes chaque année.
« 2021 marque le retour des Rencontres Trans Musicales après presque deux années placées sous le signe de la crise sanitaire, mais également de la prise de conscience aiguë de l’urgence climatique. Ces événements, liés l’un à l’autre, nous obligent à accélérer la mise en œuvre durable de notre événement, voire sa transition », affirme le festival breton. Explications avec Xavier Paillat, responsable développement durable et solidaire des Trans.
Depuis quand parle-t-on d’écologie aux Trans Musicales de Rennes ?
L’effet de masse induit une multiplication d’impacts négatifs. Il fallait cadrer les choses dès le départ
Xavier Paillat : Le départ de l’engagement se situe vers 2004/2005, soit la période où nous sommes installés au Parc Expo Rennes Aéroport. En investissant cet espace, le festival a énormément grossi. Les Trans Musicales au Liberté, c’était 6 000 personnes par soir. Là, nous passions à environ 10 000. Béatrice Macé, co-fondatrice et ancienne directrice générale des Trans Musicales – elle a quitté son poste pour devenir vice-présidente Culture de la Région Bretagne en juillet 2021 – s’est très vite posée la question de savoir comment les gens allaient se rendre au Parc Expo. L’effet de masse induit une multiplication d’impacts négatifs. Il était nécessaire de cadrer les choses dès le départ.
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C’est comme ça qu’est né l’Agenda 21 des Trans, un plan d’actions concrètes pour structurer la démarche du festival sur différents volets (social, économique et environnemental). En parallèle, le festival s’est rapproché de cinq autres événements pour améliorer collectivement leurs actions en faveur du développement durable. De cette initiative est née une association, le Collectif des Festivals, et la Charte des festivals engagés pour le développement durable et solidaire en Bretagne, signée en 2007.
De 2005 à 2010, nous avons fait énormément de progrès, notamment sur la prévention, l’accessibilité et la gestion des déchets. Entre 2011 et 2017, nous nous sommes un peu reposés sur nos acquis, jusqu’à prendre pas mal de retard par rapport à d’autres festivals engagés. Depuis trois ans, nous nous mobilisons de nouveau sur tous ces sujets et mettons en place des actions concrètes sur le terrain du développement durable et solidaire.
Est-ce qu’un festival qui accueille plus de 55 000 personnes – dont 30 000 au Parc Expo, peut s’inscrire efficacement dans une démarche environnementale ? La jauge importante d’un événement comme les Trans Musicales n’est-elle finalement pas un frein ?
Bien sûr c’est un frein. Plus tu as du monde, plus les impacts immédiats, comme les déchets ou le transport, sont négatifs. En revanche, les actions menées par le festival en faveur de la transition écologique peuvent avoir un impact immédiat sur les festivaliers. Mais, soyons clairs : il nous reste encore beaucoup de chemin à parcourir.
Quand tu accueilles 30 000 personnes en pleine nature, ton public n’a pas d’autre choix que de prendre la voiture
Récemment, nous avons suivi de près les travaux du Shift Project pour en savoir plus sur les leviers à notre disposition afin d’améliorer les Trans Musicales. La première chose qu’ils conseillent aux grands festivals est de passer leur service de restauration à 100% en végétarien afin de réduire notre impact carbone. On va commencer progressivement, mais c’est un objectif que nous ne nous interdisons pas dans le futur.
Le fait d’être dans une agglomération est un avantage pour nous. Ok, nous déplaçons beaucoup de public, mais nous pouvons bénéficier du réseau de transport de Rennes, ce qui est clairement positif. À l’inverse, c’est beaucoup plus compliqué pour un festival qui accueille 30 000 personnes en pleine nature, complètement isolé, car ton public n’a pas d’autre choix que de prendre la voiture.
Le concept de décroissance se fait peu à peu une place dans les débats politiques. Est-ce que cette thématique est également abordée dans les festivals ?
Le secteur événementiel n’est pas toujours compatible avec l’environnement. C’est tout un système qui est à revoir
Honnêtement, je ne sens pas une forte volonté de décroissance. C’est une réalité. Les projets culturels en France sont conçus de manière croissante. C’est tout le système qui est à revoir car, aujourd’hui, le secteur événementiel n’est pas toujours compatible avec l’environnement. D’ailleurs, c’est la société toute entière qui repose là dessus. Tu fais un truc, ça marche bien, on t’incite implicitement ou non à grandir, à te développer, sans jamais te poser la question de l’intérêt, autre qu’économique. Ici, on parle de festivals, mais je pourrais te tenir ce discours avec la 5G, les voitures autonomes, la 8K etc.
Aux Trans Musicales, nous ne sommes plus du tout dans une logique de croissance. Notre schéma est le même depuis dix ans avec un objectif : comment faire mieux, plus intelligemment, en diminuant notre impact sur notre environnement.
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En parallèle, naissent un peu partout en France des « micro-festivals » avec des jauges réduites et très engagés. Ils répondent à une demande, à la fois du public et des organisateurs qui souhaitent accorder leurs valeurs avec leur événement. Ils sont super innovants sur plein de sujets, n’hésitent pas à faire bouger les lignes. De notre côté, on est super attentif à toutes ces initiatives et, parfois, on reprend certaines de leurs idées.
Je reviens sur la question de la jauge. Les Trans Musicales, c’est un festival qui a plus de 40 ans, avec une identité artistique hyper marquée. On ne va pas se mentir : si on décidait demain de baisser drastiquement notre jauge, on impacterait directement d’autres volets comme la programmation. Ce n’est pas souhaitable, ni pour nous, ni pour notre public. La transition, c’est changer notre manière de faire en faisant mieux, de façon plus durable.
Annulées en 2020, les Trans Musicales reviennent cette année, à la fois dans les salles de concert rennaises et au Parc Expo. Comment préparez-vous ces retrouvailles, tant avec les artistes qu’avec le public ?
Pour sa 43e édition l’équipe des Trans s’est fixée trois grands objectifs en matière de développement durable et solidaire. Premièrement, nous souhaitons réduire l’impact environnemental de la restauration proposée aux artistes, aux équipes et aux publics, comme suggéré par The Shift Project. Ainsi, nous proposerons plus de repas végétariens et exclurons la viande rouge de nos menus. Ensuite, nous allons réaliser une grande enquête auprès de nos festivaliers qui n’utilisent pas les navettes (environ 9 000 personnes sur les trois jours au Parc Expo) afin de connaître leurs pratiques de mobilité. L’idée étant de proposer, lors des prochaines éditions, des solutions adaptées afin de réduire le nombre de personnes venant seules en voiture.
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Enfin, nous allons renforcer la prévention des violences sexistes et sexuelles lors de nos événements. Cela passe par l’accompagnement de nos équipes avec l’aide de l’asso Les Catherinettes, la mise en place d’outils de prévention et le lancement d’un dispositif de signalement à disposition des victimes et des témoins.
Sur le volet artistique, notre volonté, c’est de faire un festival qui ressemble au maximum aux éditions de 2019 ou 2018, avec les contraintes que nous connaissons actuellement comme le passe sanitaire et la jauge à 75%. Mais, peut-être que d’ici décembre, ces contraintes auront évolué, voire disparu. Ce que nous voulons surtout, c’est un nouveau rendez-vous en physique. L’année dernière, nous avons proposé quelques sessions vidéo avec Culturebox. Désormais, c’est l’heure des retrouvailles entre les artistes et le public. Tout le monde attend cela, nous les premiers !
Pour en savoir plus sur la 43e édition des Trans Musicales de Rennes, cliquez ici.