Du 4 au 7 juillet, la petite ville de Nort-sur-Erdre, près de Nantes, accueillera près de 100 000 fêtard·es pour la 24e édition du festival La Nuit de l’Erdre. À l’affiche : Sum 41, Sean Paul, Zaho de Sagazan, Jain… Derrière cet événement 100% associatif, on retrouve une démarche de décarbonation engagée depuis plusieurs années, qui souligne la force du collectif face à l’urgence écologique.
Quand on arrive sur l’onglet « Préparer ma venue » du site du festival La Nuit de l’Erdre, le chiffre saute aux yeux : « Les transports représentent près de 80% de l’empreinte carbone des festivals ». S’ensuit une liste des alternatives à la voiture individuelle : le covoiturage grâce un outil gratuit de mise en relation, le tram-train et ses grilles horaires à rallonge, et le vélo sur les traces de la Vélodyssée – un itinéraire cyclable qui longe l’océan Atlantique sur 1300 km, en passant par la petite ville de Nort-Sur-Erdre qui accueille le festival depuis 1998.
Pour sa 24e édition, du 4 au 7 juillet 2024, La Nuit de l’Erdre affiche une programmation mêlant têtes d’affiches internationales (Sum 41, Sean Paul, Paul Kalkbrenner), incontournables français·es (Gazo, Jain, SDM) et artistes émergent·es, tels que Yamê et Zaho de Sagazan, consacré·es Révélations aux dernières Victoires de la Musique.
En 2023, le festival ligérien avait signé une édition record avec près de 100 000 festivalier·es. Et dans le même temps, l’équipe organisatrice accélérait sa démarche d’éco-responsabilité. Avec 58 actions concrètes, il décrochait le label « Niveau 2 » (sur trois niveaux) du réseau REEVE, spécialisé dans l’éco-évènementiel. Mais alors, comment on fait pour transformer un gros festival ?
Pas à pas
Les actions menées touchent à tous les pans du festival : toilettes sèches, alternative végétarienne dans 70% des stands de restauration, réduction de la puissance des groupes électrogènes… « On avance pas à pas, en consolidant les dispositifs et en expérimentant chaque année » explique Rémi Bascour, responsable communication de l’événement.
Mais tous n’avancent pas à la même vitesse. Sur certains postes de pollution comme les déchets, les organisateur·ices contrôlent plus facilement leur impact. Grâce à sa brigade verte qui nettoie et sensibilise les festivalier·es au tri, le parc est nettoyé et le public sensibilisé au tri. Et chaque année, de nouveaux types de déchets sont valorisés : compost, huiles, mégots, piles… « Jusqu’aux huîtres qui permettent de faire de la chaux pour les agriculteur·ices » précise Tristan Murzeau, assistant à l’organisation.
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Sur d’autres, le festival doit accompagner l’évolution des mentalités. « Pour beaucoup, le végétarien reste associé à une offre moins qualitative » déplore par exemple Tristan Murzeau, qui rappelle que l’alimentation et les boissons sont le deuxième poste d’émission de gaz à effet de serre.
Mais dans un contexte où près de la moitié des festivals français sont en déficit, c’est surtout l’argument financier qui est avancé pour justifier cette approche progressive : « On pourrait aller bien plus vite avec davantage de financements. Comme la plupart des festivals, on a un modèle économique précaire qui limite notre marge de manœuvre et notre capacité à prendre des risques » détaille Rémi Bascour.
Le casse-tête des mobilités
Car lorsque les financements apparaissent, les progrès suivent. Pour s’attaquer à la voiture individuelle, aujourd’hui très majoritairement utilisée par les publics, La Nuit de l’Erdre s’est associée avec SNCF TER et la région Pays de la Loire pour mettre en place des tram-trains toute la nuit. Grâce à ce dispositif Billet Live, entièrement financé par le Conseil régional pour des dizaines de festivals, une dizaine de milliers de festivalier·es pourra regagner Nantes et Châteaubriant chaque soir à la fin des concerts. Le tout pour 5€ et en toute sobriété (énergétique).
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La décarbonation des mobilités se joue aussi sur le terrain des imaginaires. Comment rendre le vélo, le covoiturage ou le tram-train plus cool que la voiture ? Ça commence par une communication précise sur les mobilités durables ainsi que des infrastructures confortables, comme le grand parking à vélos et des kits de réparation qui accueillent les cyclo-festivalier·es à Nort-sur-Erdre. C’est ce que souligne une étude du cabinet Sociotopie : l’agréabilité, la simplicité et le confort sont les principaux critères dans le choix de mobilité des festivalier·es, devant le prix.
Faire bloc
« Ça fait partie des sujets sur lesquels il faut qu’on avance en collectif », poursuit Rémi Bascour. Pour ce faire, La Nuit de l’Erdre a rejoint l’initiative Festivals en mouvement, réunissant une cinquantaine de festivals autour d’expérimentations liées aux mobilités durables. Mais le besoin de coopération est parfois plus large, comme sur le sujet de la mobilité des artistes qui dépend des logiques de l’industrie musicale. « Une année, une tête d’affiche nous a demandé un jet privé. On ne l’a finalement pas programmée mais ce n’est pas une décision facile, on a besoin de ces gros·ses artistes pour faire venir du monde ».
Même constat sur la question de l’échelle. L’inflation des prix, la flambée des cachets des artistes et la concurrence entre les événements ont entraîné de nombreux festivals dans une course aux têtes d’affiches, augmentant mécaniquement les jauges et la durée des festivals. Avec 24 000 personnes par soir maximum, « La Nuit de l’Erdre ne grandira pas, assure Rémi Bascour. On va maintenant se concentrer pour faire mieux ».
La Nuit de l’Erdre ne grandira pas
Autant d’arbitrages épineux pour un festival indépendant et associatif. À l’image du refus de faire entrer des marques sur le festival, un choix qui retire des recettes potentielles mais permet de « rester fidèle à l’ADN du festival », selon Rémi Bascour, qui conclut : « Mis bout à bout, tous ces engagements amènent quelque chose de convivial, de respectueux, et une forme de sérénité dans la fête ».
C’est ainsi en impliquant les publics et en accentuant les solidarités entre événements que les festivals pourront ensemble changer les règles du jeu et mobiliser sur les postes d’émission qu’ils ne contrôlent pas directement. Le tout, en construisant des fêtes toujours plus inclusives, et dans l’air du temps.
Festival La Nuit de l’Erdre du 4 au 7 juillet à Nord-sur-Erdre. Toute la programmation et les infos pratiques sur le site du festival.